Des traces d’accumulation de vernis sont visibles, notamment dans la partie senestre de la veste. Ces accumulations montrent un vernis parfois épais, et largement oxydé. La couleur ambrée de l’oxydation suggère un vernis à base de résine naturelle (résine mastic ou dammar). Après une observation sous lumière ultraviolette, d’autres éléments sont mis en évidence : les accumulations de vernis sont effectives sur l’ensemble de la surface peinte, et elles sont accompagnées de zones de fluorescences UV différentes. Ces zones de fluorescence ne sont pas liées à la présence de repeints anciens ou de liants différents. Il semblerait qu’il s’agisse ici d’un produit de dégradation non identifié. Des tests complémentaires sont menés.
Mise en évidence des zones irrégulières avant nettoyage (identification sous UV)
Pour déterminer la nature d’un composé d’altération, on peut tenter de le solubiliser. Les techniques de détermination de la nature d’un composé sont liées à l’identification des types de forces intermoléculaires qui lui sont propre. Il existe quatre types d’interactions intermoléculaires (classés selon leur force croissante) :
- la force de Van der Waals
- la polarité (caractérisé par le moment dipolaire)
- la liaison hydrogène (liée au groupement hydroxyle –OH)
- la force ionique
- la liaison covalente (interaction intramoléculaire)
La solubilité des corps est régie par la règle suivante : les semblables solubilisent leur semblables. Ainsi, en connaissant les types d’interactions intermoléculaires des solvants, quand ceux-ci font réagir le composé présent, on peut déterminer quel type d’interaction est présent dans le corps. Chaque corps ayant un type d’interaction connu, on peut alors déterminer sa nature. Le triangle de solubilité matérialise les trois forces qui caractérisent un solvant organique :
- Fd, représente la force de dispersion de type Van der Waals
- Fp représente les interactions entre dipôles
- Fh représente les liaisons hydrogènes.Chaque substance une aire dans le triangle de solubilité.
Les polysaccharides sont des macromolécules composées de « sucres simples »., hydrophiles, hygroscopiques, mais insolubles dans l’eau et dans la plupart des solvants organiques courants. Au cours de leur vieillissement, les macromolécules sont dégradées en fragments plus petits, ce qui accroît la sensibilité à l’eau. Leur présence dans une œuvre d’art peut être liée à la présence d’amidon ou de gomme, utilisés autrefois comme adhésif. Il peut s’agir de gomme arabique (utilisée comme colloïde protecteur ou épaississant, comme liant des aquarelles et des gouaches, ou comme adhésif pour papiers et cartons), ou d’amidon (colle pour papiers).
Les protéines sont des macromolécules composées par l’enchaînement d’acides aminés. La caséine, la gélatine et l’ovalbumine du blanc d’œuf sont des protéines. Elles présentent souvent une fluorescence marquée sous UV. Les protéines sont souvent solubles ou dispersables dans l’eau, elles sont insolubles dans les solvants organiques. La solubilité des protéines peut être modifiée en fonction du pH (les protéines sont amphotères). En réagissant avec les adhéhydes (présentes dans l’huile), il y a formation de composés colorés, voire fluorescents, insolubilisation et modification des caractéristiques générales. Par ailleurs, elles donnent des produits brun-rouge à noirs en présence de peroxydes formés par oxydation des résines naturelles et des huiles (phénomène accentué par la présence de catalyseurs d’oxydation, le fer, le cuivre, etc.)
Pour déterminer si les éléments observés sont effectivement du type protéinique ou polysaccharidique, un test de solubilité en modifiant le pH de l’eau a été opéré.
Le composé observé se solubilise en partie pour un pH basique (pH=8.5), ce qui suggère bien la présence de protéine. L’ajout d’un complexant augmente encore la solubilisation partielle du composé. Malheureusement, cette solubilisation n’est que partielle, le composé ayant de proche en proche oxydé (assombri) le liant de la couche picturale.
Traces d'un composé inconnu fluorecent sous Uv après allègement de vernis. ce composé blanchi dans les solvants organiques testés mais est insouble.
D’où provient ce composé ?
Il ne s’agit pas d’un élément constitutif de l’œuvre. La dispersion de ce composé sur la surface de l’œuvre suggère pourtant que le composé a été appliqué sur l’ensemble de la surface, et qu’il a réagit préférentiellement avec les pigments à base de cuivre (vert de la veste). Il pourrait s’agir d’un « nettoyage » ancien à la pomme de terre. En effet, une recette qui a malheureusement la vie dure en pseudo-restauration est le nettoyage d’une surface peinte à la pomme de terre. La pomme de terre contient 75-78% d’eau, 11-22% d’amidon et quelques % de protéines. Des résidus de pomme de terre pourraient donc être à l’origine de ces résidus étranges qui parsèment la surface de l’œuvre et qui ont commencé à attaquer le liant de la couche picturale.