Jusqu'à la fin du mois de Juillet, au Musée des Beaux-Arts de Tours : Expo dossier autour de la restauration d'une gouache sur vélin d'Adèle Riché (conférence dans le cadre des communications Une heure, une oeuvre le Samedi 24 mai à 16h ; "Une gouache sur vélin d'Adèle Riché (1791-1878) : Bouquet de fleurs. Les étapes d'une restauration complexe. Par Annie Gilet, conservateur en chef, Pauline Munoz et Pauline Helou-de La Grandière, restauratrices du Patrimoine".
Bouquet de fleurs dans un vase de marbre,
gouache sur vélin d’Adèle Riché (1791-1878),84 x 73 cm.
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Adèle Riché (Paris 1791 – Fontainebleau 1878) :
Fille d'un Premier jardinier du Jardin des Plantes à
Paris, Adèle Riché est initiée à la botanique par son père et à la peinture et
au dessin par Vandaël ;
Sa renommée en tant que peintre et connaisseur de fleurs
est telle qu’une variété de rose lui est dédiée : la Rosa Semperflorens dite Adèle Riché (avant 1831).
Extrait de : Jardins
de France,
Volumes 8 à 9, Société nationale d'horticulture de France,
Société d'horticulture de Paris, Société centrale d'horticulture de France,
Société d'horticulture de Paris et centrale de France, Société impériale et
centrale d'horticulture, Paris, 1831, pp.157-158.
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L’atelier de Van Daël était surtout fréquenté par des
femmes, comme le montre l’illustration donnée par Bree e 1817 (Adèle Riché
avait alors 26 ans, il est possible qu’elle y soit représentée).
Philippe Jacques van BREE (Anvers 1786-1871), Vue de l'atelier de Ian Franz van Dael à la Sorbonne Toile. 46 x
56,5 cm.
Annoté
sur le côté: « esquise du tableau represente l'attellier des élèves de
J. Vandael peintre/des fleurs par Mr Philippe Vanbree son compratriotte fait
et exposé au salon en 1817/ cette attellier et dans leglise de la Sorbonne
cotté du jardin ».
Au dos plusieurs numéros de la collection
David-Weill.
Provenance:
Collection David-Weill, vente Hôtel Drouot, Paris 10 juin 1971 n° 161.
Exposition:
Salon de 1817, sous le n° 744: L'Atelier de M. Vandael, peintre de fleurs à
la Sorbonne.
L'atelier
représenté ici est celui de Jan Frans van Dael (1764- 1840), Anversois arrivé
à Paris vers 1785, ami de Gérard van Spaendonck (1746-1822), autre peintre
flamand arrivé à Paris en 1770. Membre de l'Académie et peintre attitré du
Jardin des plantes, celui-ci renouvelle la peinture de fleurs à la fin du
XVIIIe siècle. Les livrets de Salon mentionnent van Dael à la Sorbonne de
1806 à 1817. La chapelle de cet établissement, dévalisée par les événements
révolutionnaires, est en effet occupée par des ateliers d'artistes après
1801. Ce qui est désigné comme une "esquisse" est en fait une
oeuvre déjà aboutie qui fourmille de détails et décrit avec charme l'univers
féminin qui fut celui de l'artiste. Peintre de fleurs, il attira une
clientèle féminine dont la duchesse de Berry ou l'impératrice Joséphine et
son atelier fut fréquenté par les dames de la bonne société. Son contemporain
Gabet atteste en 1831 que "l'aimable peintre a initié aux secrets de son
art plusieurs dames qui ont déjà exposé au Salon", citant Adèle Riché
(1791-1878)
Source :
http://catalogue.gazette-drouot.com, consulté le 12/05/2014 (Vente du 27
février 2013, Hôtel Drouot, Daguerre-Brissoneau).
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L’oeuvre
Titre
de l’œuvre : Bouquet de fleurs dans
un vase de marbre
Inv. :
887-4-2
Technique :
gouache sur vélin
Inscriptions :
signé en bas à gauche « Adèle Riché » (repentir sur signature : quasiment
illisible)
Cliché avant retouche |
Retouche des lacunes :
1.
Limites de retouche : strictement limitée aux zones lacunaires
(comblements blancs).
2.
Technique de retouche : placée sur
les comblements en papier japonais celle-ci est réalisée avec un apport d’eau
minimal à cause de la réactivité de l’œuvre : il s’agit d’un ton de fond aquarellé pour intégrer le
papier japonais, avec un apport limité en eau.
3.
Matériau utilisé : Aquarelle Winson
& Newton, eau déminéralisée.
Traitement des tonalités désaccordées en bordure de lacune :
Zones détourées : tonalités désaccordées. |
Le
long des anciens plis, une tonalité verdâtre est visible et ne permet pas une
appréciation de l’œuvre dans son ensemble. Il semble pourtant qu’il s’agisse
d’une décoloration et non d’une ancienne retouche : l’intégration de cette
zone parait problématique : il s’agit d’une zone non lacunaire, la
retouche consisterait donc à repeindre une partie originale.
D’un
point de vue déontologique, cette zone ne devrait pas être retouchée ;
elle apparait néanmoins trop discordante pour pouvoir apprécier l’œuvre.
Selon
la formule de Césare Brandi, il faut « rétablir l’unité potentielle de l’œuvre d’art, à condition que cela soit
possible sans commettre un faux artistique, ou un faux historique, et sans effacer
aucune trace du passage de cette œuvre d’art dans le temps. »[1]
Suivant
ce postulat, nous avons testé plusieurs techniques d’intégration de l’œuvre,
pour lui redonner son unité, sans
altérer son intégrité physique.
1. Environnement lumineux
Un éclairage
avec filtres très adapté pourrait être une solution, mais après retouche des
lacunes, il semble que cette technique ne pourrait pas atténuer l’aspect
discordant (pas de motif géométrique simple que l’on pourrait isoler par un
filtre – mise en œuvre complexe dans le musée).
2. Coloration d’un matériau transparent en surface : sans retouche directe sur l’œuvre.
Deux
matériaux translucide sont envisagés : Melinex 100µ, et verre anti-reflet.
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Melinex 100µm : Ce film de polyester
téréphtalate est très transparent, très fin, stable et inerte. Non siliconé, il
est possible d’y faire tenir une retouche aux couleurs Gamblin (Gamblin
conservation colors, à base de Laropal, résine urée-aldéhyde). Le solvant
utilisé est le Lactate d’éthyle. Le film est tendu sur un bati plus grand que
l’œuvre et est placé sur celle-ci avec une distance d’1mm (pas de contact pour
éviter le risque de lustrage). La retouche est facile à conduire, l’intégration
efficace, mais les différences de brillance et les risques de plis du Mélinex
ne permettent pas d’utiliser sur une surface si grande une feuille qui recouvre
toute la surface (les plis sont toujours visibles et il est impossible de
tendre le mélinex sur l’œuvre avec son carton nid d’abeille trop souple). Nous
decidons donc le couper une longueur de mélinex pour l’apposer contre la zone
désaccordée : si la retouche parait bien intégrée, le segment de mélinex
est très visible et gêne beaucoup la lecture de l’œuvre.
Pour palier cette rupture du film, sur l’idée d’Annie Gilet,
nous testons une retouche sur un verre, qui serait répartie sur toute la
surface :
Retouche sur verre : Nous choisissons un verre
anti-reflet et des matériaux de retouche Gamblin conservation colors (solvant
Lactate d’éthyle) : là encore, retoucher à la bonne tonalité ne présente
pas de difficulté, en revanche, la distance entre la retouche et l’œuvre est
gênant : une ombre est visible sur l’œuvre (l’ombre de la retouche) ;
Le verre ne peut pourtant pas être plaqué sur l’œuvre, au risque d’en altérer
la surface dans de nombreuses zones (la planéité n’est pas homogène). Ce
système de retouche n’est donc pas conservé.
Ces deux modes de retouche sur matériau rapporté en surface
sans intervention sur l’œuvre sont donc finalement abandonnés, après consultation
avec l’ensemble des conservatrices du musée des Beaux-Arts de Tours. Nous
choisissons donc une intégration de surface la plus réversible : au
pastel.
3. Retouche au pastel
Cette retouche est très peu intrusive, puisque la poudre de
pastel est d’abord déposée grâce à un papier abrasif, puis posée sur l’œuvre à
l’aide d’un pinceau fin : un simple époussetage permet la réversibilité de
cette retouche.
Les inconvénients résident surtout dans l’aspect mat du
pastel, mais le résultat, qui laisse néanmoins la zone visible, est
satisfaisant. (Pastel Rembrandt extra fin)
La retouche par petits points reste visible
avant encadrement : elle est strictement limitée aux zones désaccordées et
corrige seulement la tonalité verte par un ton de couleur complémentaire
(points rouge-violacés ou orangés, quelques points de correction bleus).
Conclusion
Malgré
sa consolidation sur carton en structure de nid d’abeille, cette œuvre demeure
extrêmement fragile, comme nous avons pu le constater en cours de traitement
(dans la Salle des Etats transformée en atelier temporaire : en dessous
d’un certain seuil d’humidité, probablement autour de 45 %HR, la tension du
vélin était perceptible).
Nous
insistons sur le climat nécessaire à la bonne conservation de l’œuvre, qui doit
être maintenu à 50 %HR, ainsi qu’à la quantité de lumière : cette œuvre a
été relativement peu exposée depuis son acquisition en 1887, les couleurs
apparaissent de ce fait en très bon état de conservation (se conformer aux
prescriptions de la restauratrice d’arts-graphiques qui a conduit la
restauration du support).
Il
est intéressant de mettre en relation cette œuvre avec un autre vélin d’Adèle
Riché conservé au musée des Beaux-Arts
de Tours, qui a été collé en plein sur un papier très épais et tendu sur un
châssis : ce vélin ne présente pas d’altération structurelle (voir
intervention sur cette œuvre en cours).
Clichés : pour tous les clichés : © Helou-de La
Grandière déc. 2013 à mai 2014.
[1]
BRANDI, C., Les deux
voies de la critique (1966). Traduction et présentation de Paul Philippot,
Paris, Marc Vokar Editeur, 1989. ; cité dans Michel Favre-Félix, « Ambiguïtés, erreurs et
conséquences : « Rendre l’œuvre lisible » », CeROArt
[En ligne], 3 | 2009, mis en ligne le 21 avril 2009, consulté le 12
mai 2014. URL : http://ceroart.revues.org/1140