Portrait de Louis-Joseph Gaillard par Auguste Blondel


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PROPOSITION DE TRAITEMENT



La proposition initiale consistait à démonter le cadre, refixer en priorité les zones fragiles et reprendre les déformations de la toile, proposer un protocole d'allègement de vernis et de suppression de repeints, avant de pouvoir réintégrer les zones lacunaire et revernir l’ensemble de l’œuvre.

L’observation des zones de soulèvement et du réseau de craquelure révélant une présence de composition picturale sous-jacente, un examen plus approfondit de l’œuvre est effectué : une radiographie est commandée avant d’entamer le traitement (juin 2007).


Les tests de nettoyage


Suivant l’approche de nettoyage développée par Paolo Cremonesi, la solubilisation de la résine du vernis peut s’envisager dans un premier temps par l’action « modérée » des solvants organiques neutres, qui agissent sur les liaisons secondaires des molécules de résine (action physique), selon le principe suivant : les liaisons intermoléculaires du solvant se substituent aux liaisons intermoléculaires des solides quand ils ont la même polarité. Les tests consistent donc à mesurer la polarité du vernis, en effectuant une échelle de micro-solubilisations du vernis par des solvants à polarité croissante. Les mélanges utilisés pour évaluer cette échelle sont constitués d’un solvant non polaire (Ligroïne, polarité Fd :97, Fp :2, Fh :1) et d’un solvant polaire (utilisés successivement : éthanol Fd :36, Fp :18, Fh :46 et acétone Fd : 47, Fp :32, Fh :21) ;


Un mélange de solvant contenant un alcool comme l’isopropanol semble le plus interessant (le mélange 50 % Ligroïne/50%Acétone donne de bons résultats ; sa polarité est celle de l’isopropanol). Les repeints sont solubles à des polarités bien plus élevées (acétone pur). pour ces composés, la procédure de nettoyage se fera à l'aide de gels.



Paysage animé de Prosper Barbot


Les opérations ont été effectuées comme suit :
- Démontage du cadre (suppression de 4 clous)
- Protection de la face, avec pose de deux papiers Bolloré à la méthyl cellulose (Klucel G à 10% dans l’eau)
- Dépoussiérage du revers avec suppression de scrupules,
- Examen de la face.
- Suppression de la clé gênant l’accès par le revers à la déchirure
- Décrassage du revers
- Tests de décrassage et décrassage de la face
- Mise dans le plan de la déchirure
- Collage bord à bord avec un mélange d’adhésif PVA/Plextol B500
- Masticage face
- Retouche
- Vernis

Traitement des déchirures

Pour le traitement des déchirures, une humidification aqueuse très locale de la toile, autour de chacune des déchirures, permettant un apport minimal et contrôlé d’humidité a été effectué pour relaxer les fibres de la toile. La zone a pu être massée et mise sous poids après récupération progressive de la déformation qui a abouti, à terme, au repositionnement bord à bord des déchirures.
Les études récentes relatives au choix de l’adhésif de collage du fil à fil révèlent que le PVA (VR 200) est le plus adapté à cette utilisation, grâce à sa forte résistance à la traction. Son pouvoir collant est satisfaisant et il présente une souplesse intermédiaire convenable. Le Plextol B 500, adhésif acrylique, est lui, trop souple : malgré sa très bonne stabilité, il ne permettrait pas un maintien suffisant.
Pour assouplir le PVA au moment de la mise en œuvre, il est choisit de mélanger ces deux adhésifs. Le collage fil à fil a ainsi été effectué avec un mélange à parts égales en volume de PVA (VR 200 : Acétate de polyvinyle en dispersion aqueuse, Tg=28°C) et d’acrylique (Plextol B500 : Dispersion acrylique à base d’acrylate d’éthyle ( 60%) et de méthacrylate de méthyle (40%). Tg=16°C).
Le collage s’est fait dans le frais (évaporation progressive de la part aqueuse de l’adhésif), après avoir appliqué des points de colle. Un renfort a été fait ponctuellement par apposition de fils encollés dans la trame.

Décrassage

Pour le décrassage, une série de tests a été effectuée afin de déterminer la méthode la plus adaptée aux salissures présentes.

Le principe du décrassage est de solubiliser les salissures grasses accumulées au fil du temps à la surface de la peinture, sans affecter le vernis et la couche picturale. Les solutions nettoyantes utilisées sont choisies pour leur affinité avec les crasses (composées notamment d’ions métalliques divers), et leur innocuité à la surface du vernis ou de la peinture. Les solutions décrassantes sont généralement aqueuses (sauf pour le nettoyage de l’or), et varient selon leur pH (le vernis étant acide, un pH acide de la solution permet d’éviter toute attaque acido-basique), l’ajout de tensio-actif (le principe de la tête hydrophile et de la queue lipophile des tensio-actif permet un nettoyage des crasses par composition de micelles hydrosolubles) ou par l’ajout d’agents chélatants (qui forment des complexes en insérant les ions métalliques des crasses dans des pinces de complexants : ils permettent de solubiliser les sels)

Une solution gélifiée a été testée. Cette solution présente la particularité d’augmenter la mouillabilité en abaissant l’évaporation, et de baisser la diffusion du liquide dans la peinture. Une solution composée d’eau basique (pH 8.5), de complexant (citrate) et d’hydroxy-propyl-cellulose a été testée.

Tests effectués pour le décrassage
Salive, Action des tensio-actifs et des bactéries (suivi d’un rinçage), ++
Eau, pH neutre, ++
Gel de citrate, Gel tamponné à pH 6 (acide) suivi d’un rinçage, +
Eau pH 8.5 + citrate + Hpc, Gel tamponné à pH 7 (neutre) suivi d’un rinçage, +
Eau ultra pure, pH acide, +++
Traimmonium citrate 3 %, Agent chélatant suivi d’un rinçage, +

C’est l’eau ultra pure (pH 6) qui présente la meilleure efficacité sur les crasses présentent en surface e l’œuvre. Le décrassage est effectué au bâtonnet de coton légèrement imprégné d’eau ultra-pure. Le résultat est satisfaisant après deux passages.

Après décrassage, l’oxydation du vernis apparaît clairement, mais la position initiale peu interventionniste est maintenue.

Prosper Barbot


Prosper Barbot (1798-1878). Après avoir été l’élève de Watelet et de Jules Coignet, il devient le compagnon de Corot et Bodinier en Italie (1824-1828). Il expose au Salon de 1827 à 1840, où il est récompensé d'une médaille d'or en 1827, peignant ensuite en Algérie (1842) et en Égypte (1844-1846). Dès 1828, et jusqu’à sa mort, il est installé en Anjou (Chambellay). Dans cette ville, il habitait la maison de l'architecte Georges Le Chatelier (1857-1935), époux de la petite-fille et dernière héritière de Posper Barbot, née Henriette Garnon. L’œuvre est entrée dans les collections du musée des Beaux-Arts à l’occasion du legs Le Chatelier en 1936.