Gleb, "Mineur fuyant"



Gleb, Mineur fuyant, 92 x 37 cm, Musée Jean-Lurçat et de la tapisserie contemporaine, Angers.
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Gleb, Mineur fuyant, Musée Jean-Lurçat, Angers
Vue générale avant intervention

A propos de Gleb :

Yehouda Chaim Kalman dit Thomas GLEB (1912-1991) est né à Lodz (Pologne) et est mort à Angers en 1991.
Après une éducation dans une famille de tisserand et une formation de peintre, il arrive à Paris en 1932 (il a alors 20 ans) : c’est à Paris qu’il exécute ses premières œuvres.
Pendant la seconde Guerre mondiale, sa famille est exterminée ; lui s’engage dans un des régiments les plus décimé dont il est démobilisé en 1940 ; les Nazis pillent néanmoins son atelier cette même année 1940. Membre actif du groupe de résistance juive "Solidarité", il est arrêté par la Gestapo, torturé et déporté en Allemagne en train, dont il parvient à s'échapper. Son nouvel atelier (à Grenoble) est à son tour pillé. Il profitera après la guerre de ses contacts noués parmi le cercle de résistants.
Après une période polonaise (1951-1957) où il exécute des cycles d’œuvres, (cycle du cirque, cycle du coq, dont quelques exemples sont présents dans les œuvres du Musée de la Tapisserie contemporaine) il revient en France, réalise surtout des tapisseries : il passe définitivement à l’abstraction en peinture.

Histoire matérielle de l'oeuvre

Cette peinture datée de la fin des années cinquante provient du fond de la collection Kalman donné au Musée Jean Lurçat et de la Tapisserie contemporaine en 2004 : œuvre appartenant à Gleb jusqu’à la fin de sa vie, l’Ouvrier Fuyant fait partie des œuvres qui ont suivi l’artiste de Pologne en France, puis de Royaumont à Angers.

Comme toutes ses œuvres transférées, le châssis n’est pas original et de qualité médiocre (voilé). Le support présente de ce fait de nombreux défauts, dont déformations et tension hétérogène.

Des reprises importantes de la peinture ont été effectuées ; ces repeints, de la main de l'artiste qui sont considérés comme des reprises recouvrent l'ensemble de la surface peinte, et sont très peu adhérents sur la première couche picturale.
Gleb, Mineur fuyant, couleurs modifiées (couche  picturale sous-jacente visible)



Altérations & interventions

De nombreuses zones sont en amorce de soulèvement et sont consolidées. Les déformations de support qui amplifient  ce phénomène sont corrigées par le démontage de l'oeuvre et la mise en extension (bande de tension sur bâti extenseur). cette consolidation est complexe : l'oeuvre est sensible à une chaleur au delà de 80°, à tous les solvants organiques polaires, la surface est sensible aux lustrages dans les zones mates (ciel) et présente une tendance à la matité accrue dans les zones brillances (personnage, sans paysage). Des zones importantes ont été déplaquées (casquette entière) et quelques petites zones éparses sont lacunaires, laissant visible la couche de peinture sous-jacente.


Détail d'un soulèvement de la couche picturale supérieure


Détail après refixage

Réintégration

La question de la retouche est problématique et demande une réflexion supplémentaire.

De nombreuses petites zones laissent apparaître la sous-couche de façon très discordante et demandent  de ce fait une intégration illusionniste. Ces zones étant très réduite, la retouche est acceptable.
Gleb, Mineur fuyant, détail dans le ciel : sous-couche discordante et très visible.
Les surfaces largement déplaquées représentent elles, une retouche très importante, qui demande une part d'invention ou d'interprétation importante. C'est le cas de la casquette (et des zones relevées en orange). la présence d'une sous-couche aux couleurs proches n'est pourtant pas gênante pour ces zones.

Gleb, Mineur fuyant, Zone entièrement déplaquée de la casquette. 
Gleb, Mineur fuyant, détail de la zone précédente.


Gleb, Mineur fuyant,
relevé en orange des déplaquages sur sous-couche en harmonie
et en turquoise des zones aux sous-couches discorantes.
Cette nature d'une peinture reprise demande un choix de matériau très judicieux : la retouche doit donner une même matière, un même brillant et une même couleur, alors qu'elle est placée sur une couche picturale originale.
Voir ces zones aujourd'hui contribue à une meilleure compréhension de l'oeuvre qui a une histoire matérielle très riche : pourquoi Gleb a-t'il repeint le fardeau rouge du mineur en fardeau gris? A quel moment de son engagement politique a-t'il voulu modifier cette symbolique ; ou n'est-ce qu'une reprise esthétique?

Cependant, ne pas réintégrer ces zones et les laisser visibles ne respecte pas l'aspect final de l'oeuvre, qui a été confiée au Musée Jean Lurçat et de la tapisserie contemporaine dans sa version finale repeinte.