Portrait de Gaspard Faivre d'Esnans : Un nettoyage problématique

Avant traitement



Après traitement







Matités et brillances gênaient la lecture de l’œuvre. La présence d’une vitre sur le cadre amplifiait encore ce phénomène, la vitre ayant un voile visible sur sa face intérieure. Après démontage de la vitre et après un dépoussiérage général de la surface peinte, on a put observer divers défauts sur la couche picturale.

Des traces d’accumulation de vernis sont visibles, notamment dans la partie senestre de la veste. Ces accumulations montrent un vernis parfois épais, et largement oxydé. La couleur ambrée de l’oxydation suggère un vernis à base de résine naturelle (résine mastic ou dammar). Après une observation sous lumière ultraviolette, d’autres éléments sont mis en évidence : les accumulations de vernis sont effectives sur l’ensemble de la surface peinte, et elles sont accompagnées de zones de fluorescences UV différentes. Ces zones de fluorescence ne sont pas liées à la présence de repeints anciens ou de liants différents. Il semblerait qu’il s’agisse ici d’un produit de dégradation non identifié. Des tests complémentaires sont menés.




























Mise en évidence des zones irrégulières avant nettoyage (identification sous UV)










Détermination d’un produit de dégradation observé sous UV :

Pour déterminer la nature d’un composé d’altération, on peut tenter de le solubiliser. Les techniques de détermination de la nature d’un composé sont liées à l’identification des types de forces intermoléculaires qui lui sont propre. Il existe quatre types d’interactions intermoléculaires (classés selon leur force croissante) :
- la force de Van der Waals
- la polarité (caractérisé par le moment dipolaire)
- la liaison hydrogène (liée au groupement hydroxyle –OH)
- la force ionique
- la liaison covalente (interaction intramoléculaire)

La solubilité des corps est régie par la règle suivante : les semblables solubilisent leur semblables. Ainsi, en connaissant les types d’interactions intermoléculaires des solvants, quand ceux-ci font réagir le composé présent, on peut déterminer quel type d’interaction est présent dans le corps. Chaque corps ayant un type d’interaction connu, on peut alors déterminer sa nature. Le triangle de solubilité matérialise les trois forces qui caractérisent un solvant organique :
- Fd, représente la force de dispersion de type Van der Waals
- Fp représente les interactions entre dipôles
- Fh représente les liaisons hydrogènes.Chaque substance une aire dans le triangle de solubilité.







Grâce a ce test de solubilité, on observe que le vernis est effectivement à base d’une résine naturelle, mais qu’il est composé d’un autre élément, qui le rend insoluble dans les solvants habituels des résines. Situé dans la zone représentée en bleu, ce composé pourrait être à base de protéines ou de polysaccharides.




















Les polysaccharides sont des macromolécules composées de « sucres simples »., hydrophiles, hygroscopiques, mais insolubles dans l’eau et dans la plupart des solvants organiques courants. Au cours de leur vieillissement, les macromolécules sont dégradées en fragments plus petits, ce qui accroît la sensibilité à l’eau. Leur présence dans une œuvre d’art peut être liée à la présence d’amidon ou de gomme, utilisés autrefois comme adhésif. Il peut s’agir de gomme arabique (utilisée comme colloïde protecteur ou épaississant, comme liant des aquarelles et des gouaches, ou comme adhésif pour papiers et cartons), ou d’amidon (colle pour papiers).

Les protéines sont des macromolécules composées par l’enchaînement d’acides aminés. La caséine, la gélatine et l’ovalbumine du blanc d’œuf sont des protéines. Elles présentent souvent une fluorescence marquée sous UV. Les protéines sont souvent solubles ou dispersables dans l’eau, elles sont insolubles dans les solvants organiques. La solubilité des protéines peut être modifiée en fonction du pH (les protéines sont amphotères). En réagissant avec les adhéhydes (présentes dans l’huile), il y a formation de composés colorés, voire fluorescents, insolubilisation et modification des caractéristiques générales. Par ailleurs, elles donnent des produits brun-rouge à noirs en présence de peroxydes formés par oxydation des résines naturelles et des huiles (phénomène accentué par la présence de catalyseurs d’oxydation, le fer, le cuivre, etc.)

Pour déterminer si les éléments observés sont effectivement du type protéinique ou polysaccharidique, un test de solubilité en modifiant le pH de l’eau a été opéré.
Le composé observé se solubilise en partie pour un pH basique (pH=8.5), ce qui suggère bien la présence de protéine. L’ajout d’un complexant augmente encore la solubilisation partielle du composé. Malheureusement, cette solubilisation n’est que partielle, le composé ayant de proche en proche oxydé (assombri) le liant de la couche picturale.



Traces d'un composé inconnu fluorecent sous Uv après allègement de vernis. ce composé blanchi dans les solvants organiques testés mais est insouble.




D’où provient ce composé ?
Il ne s’agit pas d’un élément constitutif de l’œuvre. La dispersion de ce composé sur la surface de l’œuvre suggère pourtant que le composé a été appliqué sur l’ensemble de la surface, et qu’il a réagit préférentiellement avec les pigments à base de cuivre (vert de la veste). Il pourrait s’agir d’un « nettoyage » ancien à la pomme de terre. En effet, une recette qui a malheureusement la vie dure en pseudo-restauration est le nettoyage d’une surface peinte à la pomme de terre. La pomme de terre contient 75-78% d’eau, 11-22% d’amidon et quelques % de protéines. Des résidus de pomme de terre pourraient donc être à l’origine de ces résidus étranges qui parsèment la surface de l’œuvre et qui ont commencé à attaquer le liant de la couche picturale.

Pierre Soulages, Peinture, 162x130cm, 2 novembre 1959


Titre : Peinture, 162x130cm, 2 novembre 1959
Auteur : Pierre Soulages
Technique : Peinture sur toile
Date: 2 novembre 1959
Dimensions : 162 x 130 cm
Signature : face, en bas à droite
Revers : sur châssis « 2 novembre 59 »
Cadre : baguette de bois noire
Propriétaire : Pierre Soulages
En dépôt au Musée Fabre D.2007.1.3
Catalogue Encrevé : Cat n°390
Suivi des opérations : Sylvain Amic
Auteur du rapport : Pauline Hélou - de La Grandière
Date : janvier 2008



Contexte d’intervention

Des soulèvements ont été signalés lors du dépôt de l’œuvre au Musée en janvier 2007. le constat d’état effectué alors avait été l’occasion d’effectuer un prélèvement de la préparation pour déterminer si les soulèvements sont de la même nature que les altérations remarquées ces dernières années sur un corpus d’œuvres de Pierre Soulages daté de 1959 (Helou- de La Grandière et al. 2008).

Etude de l’œuvre : Matériaux constitutifs & technique d’exécution

Peinture, 162x130cm, 2 novembre 1959 fait partie des œuvres réalisées quelques temps avant l’exposition Pierre Soulages de 1960 à la Galerie de France, où elle était exposée (reproductions au catalogue). Comme l’ensemble des œuvres réalisées alors, la technique utilisée par Pierre Soulages suit la description précise qu’en a faite Roger Vaillant (Vaillant 1961). Notons également que cette œuvre est très proche de celle représentée dans le reportage photographique d’Izis réalisé dans l’atelier de la rue Galande en 1961 (Catalogue exposition Galerie de France).

L’artiste a travaillé sur une toile pré-enduite blanche, provenant a priori du magasin Lefebvre-Foinet (fournisseur de Pierre Soulages à cette période). L’exécution a suivi les étapes suivantes :
- Application de la sous-couche rouge directement sur la préparation. Du rouge de Mars a été appliqué préférentiellement dans la partie supérieure et médiane senestre; du blanc a été apposé en partie inférieure.
- L’ensemble a ensuite été recouvert d’une pâte noire. Appliquée en grande épaisseur au spalter, des stries sont visibles et dessinent une vibration horizontale. La pâte noire était commandée par l’artiste à un marchand de couleur ; d’après ses indications, la composition de la pâte serait du noir d’ivoire, de l’huile de lin cuite à la litharge et du siccatif Flamand de Lefranc
[1].
- A l’aide d’une truelle, l’artiste a raclé et arraché toutes les couches suivant des à-coups diagonaux. Ces zones d’arrachage laissent apparaître les sous-couches rouges et blanches. La pression appliquée par l’artiste était alors telle que le liant des couches colorées a migré dans la toile. Ca et là, le peintre a ensuite repris certaines zones qu’il a recouvertes de pâte noire pour parfaire les contrastes de forme et de couleur.
- Un vernis a pu être appliqué dans certaines zones. Pierre Soulages emploie alors un vernis à base de résine naturelle (Dammar) ou synthétique (Vernis Vibert, Lefranc). L’observation sous lumière ultraviolette de ce vernis permet de mettre en évidence différentes fluorescences, montrant l’existence de différentes résines et les reprise finales.

Histoire matérielle

Le tome II du catalogue des peintures de Pierre Soulages de Pierre Encrevé indique que l’œuvre provient de Mme Mary Callery (1903-1977), Paris, puis de la succession Mary Callery.

L’œuvre a participé aux plus importantes expositions personnelles de Pierre Soulages dans les années soixante, mais elle n’a pas été exposée entre 1967 et 2000.

Participation aux expositions personnelles de Pierre Soulages :
- 1960 : Galerie de France, Paris (reproduction). Inscription sur montant inférieur senestre du châssis : « GDF ? »
- 1963 : Ny Carlsberg Glyptotek, Copenhague.
- 1966 : Museum of Fine Arts, Houston (fragment d’étiquette au revers)
- 1967 : Musée national d'Art Moderne, Paris
- 2000 : Les Abattoirs, Toulouse.
Deux étiquettes au revers indiquent des transports :
- « André Chenu & fils, Bd Ney, 20.547 AK »
- « LP Art » (étiquette décollée et déposée dans le dossier d’œuvre).

Traitements antérieurs :
De nombreuses traces de traitement antérieur sont visibles sur l’œuvre. Il est possible qu’il y ait eut une reprise tardive, puis un traitement que l’on qualifiera d’abusif, puisque l’on observe dans les zones aujourd’hui soulevées l’empreinte de frottements et d’outils dans la couche picturale.

Altérations

Les altérations de l’œuvre sont localisée sur un repère orthonormé O ;x,y dont le point d’origine est situé dans l’angle inférieur gauche de la peinture. 3 zones principales d’altération sont notées sur le schéma ci-contre. Les coordonnées de chaque zone d’altération sont données en cm.

L’œuvre souffre de différents types d’altérations, que nous classerons de la façon suivante :
- défauts de surface réversibles : matités, brillance (vernis), empoussièrement.
- défauts de surface non réversibles : altération de la surface de la couche picturale, ruptures de film.
- altérations évolutives et partiellement réversibles : déformation de couche picturale et pertes d’adhérence.

1. Défauts de surface reversibles
- Empoussièrement / encrassement : celui-ci est important sur la surface peinte. L’empoussièrement important du revers est également notable.
- Brillances / matités de vernis : des défauts de surface de vernis sont visibles. Ces altérations sont dues aux traitements antérieurs et sont souvent associées aux zones de couche picturale en perte d’adhérence. Des résidus de coton et de différentes poussières piégées à la surface « poisseuse » de la peinture sont également associés à ces zones.

2. Défauts de surface non reversibles
- Altération de la surface de la couche picturale : Dans les zones où des brillances et matités de vernis avait été observées, la couche picturale apparaît souvent altérée en surface (surface devenue plus rugueuse ou ayant piégé des fibres).
- Ruptures de film : en périphérie des zones soulevées ont distingue également des ruptures de couche picturale qui n’ont pas de direction privilégiées.
- Déformation : les déformations de couche picturale sont souvent associées à un soulèvement. Elles peuvent également être isolées. Cette observation suggère que la couche picturale se déforme avant de se rompre et de se soulever.

3. Altérations évolutives et partiellement réversibles : pertes d’adhérence
L’œuvre souffre de pertes d’adhérence : il s’agit de clivages de couche picturale à l’interface préparation/couche colorée (relevé). Ces clivages sont associés à des ruptures et des déformations importantes de peinture. Trois zones principales ont été observées :
- Zone 1 (x :106-110 ; y :152-155 ). En périphérie d’aplat, dans une zone de mélange important de couleurs dans la couche picturale (siège de fortes contraintes) : Surface peinte rayée et fissures semi directionnelles dans toute l’épaisseur de la couche picturale (2 mm).
- Zone 2 : (x : 100-114 ; y : 103-108 ). Réseau de craquelure non directionnel dans un empâtement épais (au-delà du mm). Des griffures sont visibles à la surface. La rupture du film est accompagnée d’une déformation de la toile
- Zone 3 : (x : 32 ; y : 15) Couche picturale moins épaisse qu’en 1 et 2 , Petites fissures accompagnées d’une amorce de soulèvement

Zone n°1, relevé des fissures et soulèvements (rouge) et des modifications optiques (vert)


Zone n°2, relevé des fissures et soulèvements (rouge) et des modifications optiques (vert)







Diagnostic & Discussion

Les altérations observées sont le résultat de l’expression des contraintes dans le film peint. Comme nous l’avons observé dans le constat d’état, il y a déformation de la couche picturale dans un premier temps. Au-delà d’un seuil critique de contraintes dans le film peint, il y a rupture du film (fissuration de couche picturale). Ces ruptures sont associées a des pertes d’adhérence à la surface de la préparation, cette dernière étant encore souple et possédant un taux de contrainte très faible.

Ainsi, la couche préparatoire est le siège de faibles contraintes. La couche colorée rassemble au contraire de très nombreuses forces de contrainte, surtout dans les zones épaisses (film épais, présence de noir d’ivoire en grande proportion, vitesse d’évaporation rapide), qui peuvent entraîner les fissures de film que nous observons. La différence de contrainte entre la couche préparatoire et la couche colorée peut entraîner une désolidarisation des films. C’est un phénomène mécanique qui est observé de façon récurrente dans les peintures contemporaines épaisses.



L’origine des clivages s’explique par la différence physique entre la couche picturale épaisse (nombreuses forces de contraintes qui la rendent cassante) et la couche de préparation (peu de forces de contraintes).

Nous pensons que la présence de différents vernis, appliqué avant le séchage à cœur des couches picturales, peut avoir joué le rôle de barrière à oxygène, engendrant des défauts de séchage qui perturbent encore la couche picturale.

Cette œuvre fait en outre partie d’une série d’œuvres exécutées suivant la même technique qui présentent des altérations similaires et qui ont fait l’objet de quelques études ces dernières années (La Grandière 2005, Helou – de La Grandière 2006, Helou - de La Grandière 2007, Helou - de La Grandière et al. 2008). Grâce au soutien financier du Centre national des Arts Plastiques (CNAP), une étude sur les œuvres de Pierre Soulages datées de 1959 a été possible. Cette étude a permis d’auditer l’état de conservation des 17 œuvres listées ci-après. Parmi ces œuvres, la moitié est considérée comme en bon état de conservation, seulement un tiers ne présente aucune altération, et enfin un quart des œuvres n’a jamais été refixé. Ainsi, ¾ des peintures de Pierre Soulages de 1959 conservées dans les musées a déjà été refixé. Cette enquête révélait un élément également très inquiétant : 70% des cas traités (refixage) ont été inefficaces. Pour certaines œuvres, les refixages ont dû être réitérés plusieurs fois (tous les 2 ans) sans donner entière satisfaction.

Les causes de ce phénomènes commencent aujourd’hui a être éludée, du moins partiellement. Toutes les œuvres altérées qui ont été analysées montrent la présence dans les couches picturales de noir d’ivoire, parfois d’oxyde de zinc, d’oxyde de plomb (utilisé comme siccatif), d’huile et de colophane (utilisé comme épaississant du medium). Ces œuvres sont appliquées dans tous les cas sur une préparation blanche industrielle, provenant de la maison Lefebvre-Foinet. La préparation est composée de blanc de plomb, dont la structure morphologique est atypique (morphologie aciculaire observée au Microscope électronique à balayage MEB).

La recherche de l’origine des clivages menée en 2006-2007 a permis de mettre en évidence la présence systématique de savons métalliques et de morphologies aciculaires dans les préparations des œuvres altérées. Cette observation a permis de corréler la récurrence des soulèvements à la présence de ces savons métalliques. De plus, il a été montré que des œuvres d’autres peintres datées de la même période présentent le même type d’altération problématique, auxquelles sont associées les mêmes morphologies de blanc de plomb contenant des savons métalliques (il s’agit de Riopelle et de Borduas). Ainsi, la source de savons métalliques qui entraîne une difficulté accrue à refixer les peintures est liée au fournisseur de préparations, Lefebvre-Foinet.

A l’explication mécanique s’ajoute la présence de savons métalliques dans la couche préparatoire. Ces savons métalliques peuvent encore abaisser le taux de contraintes dans la préparation (et augmenter le différentiel mécanique avec la couche picturale) ; ils peuvent aussi empêcher un refixage efficace à long terme.
Rupture de couche picturale et soulèvement zone n°1
Rupture de couche picturale et soulèvement zone n°2
Zone 3 : rupture rectiligne de la couche picturale (le long d’un sillon) et soulèvement associé.
Défauts de brillance et de matités, impression de marque d’outils dans la couche picturale au cours d’un traitement précédent.
Zone 1 : soulèvement et matités avant traitement
Zone 1 : Restitution de la brillance originale après traitement.

Problématique du refixage
Cette peinture doit faire l’objet d’une réflexion avant d’envisager le refixage. Les autres cas traités montrent que la multiplication des refixages sur une même œuvre peut entraîner d’autres altérations, plus gênantes encore. Dans les cas les plus extrêmes, les œuvres ne sont plus présentables. Nous procéderons donc à quelques tests avant de choisir l’adhésif le plus approprié à notre cas. La méthode choisie pour le refixage sera la méthode la plus minimaliste.

1. Analyse de la couche préparatoire
Un échantillon de préparation a été prélevé sur les chants de l’œuvre. Les analyses ont été menées par Anne-Solenn Le Hô au C2RMF (MEB, IRTF). Les analyses suivantes ont été effectuées :
- La composition élémentaire et l’observation de la morphologie des composés ont été obtenues par microscopie électronique à balayage associé à un système d’analyse élémentaire de rayons X par séparation dispersive en énergie (MEB-EDS).
- Des analyses en spectroscopie infrarouge ont ensuite été réalisées afin de rechercher la présence de savons métalliques. La spectroscopie infrarouge est une analyse vibrationnelle, qui permet une analyse structurale fonctionnelle. Grâce à elle, il est possible de caractériser les fonctions chimiques de produits organiques, inorganiques, cristallisés ou amorphes.
Peinture, 162 x 130 cm, 2 novembre 1959 est composée des mêmes éléments que les œuvres précitées. La préparation, d’après les analyses qui ont été effectuées au C2RMF permettent de conclure qu’elle est composée d’hydrocérusite et de cérusite, éléments composant le blanc de plomb. Peu ou pas de savons métalliques ont été analysés dans l’échantillon prélevé sur les chants de l’œuvre. La morphologie des grains de blanc de plomb ne présente de forme d’aiguille qu’en surface et en proportion moindre par rapport aux autres cas problématiques des œuvres de Pierre Soulages.
Figure 2 : Peinture, 28 décembre 1959, Préparation. Morphologie granulaire à aciculaire des grains de blanc de plomb (MEB). © LE HO – C2RMF 2007

2. Evaluation de la sensibilité de la couche picturale
Une étude de solubilité de la couche picturale a été conduite directement sur l’œuvre, sur les chants peints et accessibles. Cette étude a pour objectif de déterminer quels sont les solvants et les familles de solvants qui peuvent altérer la couche picturale. Le solvant de l’adhésif sera choisit dans une zone de solubilité extérieure à la zone de sensibilité de la couche picturale.


3. Choix de l’adhesif
Le collage consiste à effectuer un joint d’adhésion entre deux couches non solidaires ; ce joint doit pouvoir être appliqué sans provoquer de dommage sur l’œuvre originale à court comme à long terme (innocuité optique, chimique, thermique et mécanique). Grâce aux zones de solubilité que nous avons déterminé, nous pouvons d’ores et déjà envisager de ne pas utiliser d’adhésif synthétique en solution avec tout solvant organique sauf certains alcools, certains esters et l’eau. Les adhésifs en solutions aqueuses sont exclus à cause de la mouillabilité de la surface, car la préparation est hydrophobe. L’enquête menée permet également de supprimer de la gamme envisageable les adhésifs utilisés sans succès à plusieurs reprises, telle que les PVAc et la Beva©. . Les seuls adhésifs que nous pouvons utiliser dans ce cas sont donc un éther de cellulose, le Klucel©, et un acrylique soluble dans l’alcool, le Primal© E330.

C’est le Klucel© qui a eut notre préférence, à cause de son utilisation mixte eau/éthanol. En effet, solubilisé dans ce mélange alocolo-aqueux, il peut être rincé à l’eau en cas de retour en surface de l‘adhésif. Ce point est très important dans notre cas, puisque la couche picturale peut être modifiée en surface par un alcool (matités).

Le refixage sera donc envisagé à froid, par application de Klucel G
[2] diluée à 10% dans un mélange eau.éthanol (50/50) ou dans l’éthanol seul. La mise dans le plan se fera après pression sous poids de la zone soulevée.

Rapport d’intervention

1. Interventions sur le revers
- Dépoussiérage au chiffon microfibres Stouls (Chiffon à base de microfibres synthétiques de polyester et polyamide ne contenant aucun additif chimique), et décrassage des montants au tampon humide. Suppression de scrupules placés à l’intérieur de la traverse inférieure..
- Pose d’un molleton polyester,
- Dos protecteur en carton pHicor (pHicor est un carton ondulé simple cannelure. Entièrement réalisé en papier bleu 150 g/m2 100 % pâtes chimiques blanchies, sans acide, avec réserve alcaline. Liaison du complexe à la colle d'amidon. pH faces externes : 7,5 ; pH cannelure : 8,7.
- Pose de poignées

2. Interventions sur la face
- Dépoussiérage au chiffon microfibres Stouls,
- Refixage des zones 1, 2 et 3 : Prémouillage avec le mélange eau/éthanol 50/50. Injection de Klucel G 10% dans éthanol. Mise à plat avec spatule souple en silicone. Mise sous poids.
- Suppression des fibres piégées dans la couches picturales, et vernissage local des zones mates par vaporisation de vernis à base de résine de méthacrylate d’isobutyle (non jaunissant). Verbis à tableau satiné Pébéo.

Les zones refixées demeurent extrêmement fragiles et sensibles.

Préconisation de conservation préventive
Cette œuvre est extrêmement fragile et ses altérations évoluent dans les conditions de conservation actuelles. Tous les transports et les manipulations de l’œuvre doivent être réduits au maximum pour la bonne conservation de cette peinture. En cas d’absolue nécessité, les transports et les manipulations doivent être effectués avec la plus grande prudence et une grande maîtrise des règles de conservation.

Conditionnement : un dos protecteur a été posé au revers de l’œuvre. Il a pour fonction de tamponner les variations d’humidité, de réduire les échanges climatiques avec l’extérieur et de protéger le revers de vibrations ; il est composé de molleton polyester, directement en contact avec la toile, qui assure l’absorption des vibrations sur la toile ; et de carton cannelé simple cannelure à réserve alcaline. Le carton protège le revers des accidents (qui peuvent engendrer des éraflures), de l’empoussièrement, et sa nature tamponne des variations d’humidité, comme le montrent les schéma en annexe.

Manipulations : cette œuvre doit absolument être manipulée avec des gants blancs propres, et par du personnel qualifié. L’éraflure récente constatée dans la couche picturale montre quelles conséquences peut engendrer une négligence lors d’une manipulation.

Transport : Après le présent traitement, nous ne sommes pas favorable à son prêt et à son transport en Suisse. Les engagements étant déjà pris par le musée, nous préconisons un transport dans un caisson climatique, avec un système de cadre M.R.T. inséré dans une caisse molletonnée. La peinture doit être fixée dans le cadre MRT par des vis (il faut ajouter un système d’accroche au châssis), lequel cadre doit être emballé dans un cartonnage, puis inséré dans la caisse après avoir capitonné cette dernière de mousse pour absorber les chocs et vibrations.

Le prêt de cette œuvre, pour une exposition temporaire en France ou à l’étranger, n’est en aucun cas envisageable. Les vibrations et les chocs climatiques alors subis par la toile amplifieraient le réseau de fissure déjà visible et menaceraient des pertes d’adhérences irréversibles.

Exposition : le standard basique à garantir pour l’humidité relative sur l’œuvre est de 74-53% HR acceptant une variation de ±2%/jour pour une température jugée optimale à 21°C (±1.5°C/jour).
[3] Nous rappelons qu’il est important de garantir une humidité relative stable afin de réduire l’évolution du taux de contrainte à l’origine des clivages. La présence d’une nouvelle éraflure sur l’œuvre et du chewing-gum appliqué sur le châssis ont montré que la surveillance doit être renforcée dans cette salle du musée, particulièrement pour cette œuvre qui n’est pas visible depuis les caméra de vidéo-surveillance.

L’étude régulière de l’œuvre : Une observation attentive et régulière restera la meilleure garantie pour sa conservation. Effectuée par un restaurateur de peinture, cette observation comportera notamment des relevés précis (à l’échelle 1) des altérations. Cette étude pourra être effectuée dans le cadre d’un contrat d’entretien.

Bibliographie

Roger VAILLAND, Comment travaille Pierre Soulages, Le Temps des Cerises, Paris, 1998. Edition de « Comment travaille Pierre Soulages «, L’œil, n°77, Paris, mai 1961.
James Johnson SWEENEY, Soulages, Ides et Calendes, Neuchâtel, 1972 ;
Pierre DAIX, James Johnson SWEENEY, Pierre Soulages, l'oeuvre 1947-1990, Ides et Calendes, Neuchâtel, 1991
Pierre ENCREVE, Soulages, L'oeuvre complet, Peintures II, 1959-1978, Editions du Seuil, Paris, 1996, p.48
Pauline de LA GRANDIERE, Technique classique et problèmes contemporains : Pierre Soulages, peinture, 114 x 165 cm, 16 décembre 1959, musée d'art moderne de la Ville de Paris : étude des contraintes internes et des défauts d'adhérence d'une couche picturale épaisse, recherche d'une méthode de refixage des clivages . Mémoire de fin d’études, Institut national du patrimoine, Saint Denis, 2005.
Pauline de LA GRANDIERE, « La restauration de Peinture, 114 × 165 cm, 16 décembre 1959 de Pierre Soulages », in Patrimoines, n°2, 2006, p.51-55.
Pauline HELOU-DE LA GRANDIERE, Recherche sur le rôle des savons métalliques dans le développement des clivages des peintures de Pierre Soulages de 1959, Recherche soutenue par le Centre national des Arts Plastqiues, Minsitère de la Culture et de la Communication, octobre 2007.
Pauline HELOU-DE LA GRANDIERE, Anne-Solenn LE HO, François MIRAMBET, « Delaminating paint films at the end of 1950s: a case study of Pierre Soulages”, in Preparation for painting : the artist’s choice and its consequence, conférence de l’ICOMM-CC, British Museum, 31 mai et 1er juin 2007, Archetype eds. 2008.

Catalogues d’exposition
1960
Soulages, Galerie de France, Paris ; reportage photographique Izis
1963
Soulages Malerier og Raderinger, Ny Carlsberg Glyptotek, Copenhague ; texte de Haavard Rostrup

[1] Le Siccatif flamand de Lefranc-Bourgeois est composé d’une résine copal, et d’une forte proportion d’huile de lin, comportant une standolie (huile polymérisée à la chaleur) et de la litharge (oxyde de plomb), dilué à l’essence de térébenthine.
[2] Hydroxypropylcellulose. Colle chimiquement neutre et réversible. Très bonne résistance à la dégradation biologique. Non toxique, pH stable. Totalement transparente en séchant.

[3] Source : Rebecca Alcàntara, Standards in preventive conservation : meanings and applications, ICCROM, 20/01/2002.

Pierre SOULAGES, Peinture, 114 x 162 cm 28 décembre 1959



Titre : Peinture, 162x114cm, 28 décembre 1959
Auteur : Pierre Soulages
Technique : Peinture sur toile
Date: 28 décembre 1959
Dimensions : 162 x 114 cm
Signature : face, en bas à droite (gravée)
Revers (titre et date)
Cadre : ruban de bordage peint en blanc
Propriétaire : Musée Fabre, Montpellier
N° d’inventaire : 2005-12-2
Catalogue Encrevé : n° 405
Suivi des opérations : Sylvain Amic
Auteur du rapport : Pauline Hélou - de La Grandière
Date : janvier 2008


Contexte d’intervention

Le 17 janvier 2007, une étude de l’état de conservation de l’œuvre avait révélé la présence de nombreux soulèvements de couche picturale. Ces soulèvements sont de la même nature que les altérations remarquées ces dernières années sur un corpus d’œuvres de Pierre Soulages daté de 1959 (Helou- de La Grandière et al. 2008). Avant le départ de l’œuvre pour l’exposition « Action Painting » (27 janvier - 12 mai 2008) à la fondation Beyeler (Bâle, Suisse), les interventions urgentes de conservation restauration ont été réalisées.

Etude de l’œuvre : Matériaux constitutifs & technique d’exécution

Peinture, 162 x 114 cm, 28 décembre 1959 fait partie des œuvres réalisées quelques temps avant l’exposition Pierre Soulages de 1960 à la Galerie de France, où elle était exposée (reproductions au catalogue). Comme l’ensemble des œuvres réalisées alors, la technique utilisée par Pierre Soulages suit la description précise qu’en a faite Roger Vaillant (Vaillant 1961). Notons également que cette œuvre est très proche de celle représentée dans le reportage photographique d’Izis réalisé dans l’atelier de la rue Galande en 1961 (Catalogue exposition Galerie de France).

L’exécution a suivi les étapes suivantes :
- Application de la couche blanche, au spalter, directement sur la préparation. Cette couche est uniforme et recouvre l’ensemble de la toile.
- Dépose de plages de couleur bleue, notamment dans le tiers supérieur. Cette couche a été déposée dans le frais, comme le montrent les mélanges de bleu et de blanc.
- Des aplats noirs ont été appliqués dans le frais, à plat, sur les zones bleues. L’artiste a tiré la peinture de ces aplats à l’aide de spatules et truelles en bois ou en cuir, jusqu’à l’arrachage de la couche noire, pour découvrir des zones blanches et bleues.

Figure 1: Exécution d'une oeuvre contemporaine à Peinture,162x 114cm, 28 décembre 1959 (mars 1960). ©Izis, 1960.

Les matériaux utilisés par l’artiste correspondent à la technique d’exécution classique : pigments minéraux et médium à l’huile (huile cuite à la litharge ; adjonction éventuelle de résine et de siccatif Flamand de Lefranc-Bourgeois).

Un vernis a pu être appliqué dans certaines zones. Pierre Soulages emploie alors un vernis à base de résine naturelle (Dammar) ou synthétique (Vernis Vibert, Lefranc).

L’œuvre est aujourd’hui rentoilée : les éléments visibles au revers ne sont ni le châssis original, ni la toile originale. La signature a cependant été appliquée par Soulages lui-même, après le rentoilage.

Le ruban de bordage initial a été remplacé (traces de l’ancien ruban sur le châssis). Un bordage a été installé à l’occasion de la donation par l’assistant de l’artiste (Dan Mc Enroe) : il s’agit d’une toile blanche recouverte de peinture acrylique blanche.

Histoire matérielle

L’histoire matérielle de l’œuvre est dense, comme en témoigne les nombreuses expositions auxquelles elle a participé (plus d’une vingtaine) :
Participations aux expositions personnelles de Pierre Soulages :
- 1960 : Galerie de France, Paris (reproduction)
- 1963 : Ny Carlsberg Glyptotek, Copenhague (reproduction au catalogue). Etiquette ?
- 1966 : Museum of Fine Arts, Houston (fragment d’étiquette au revers)
- 1967 : Musée National d'Art Moderne, Paris (reproduction)
- 1968 : Comité d’établissement du Crédit Lyonnais et rétrospective au Musée d'Art Contemporain de Montréal (reproduction) et au Musée du Québec, à Québec (reproduction)
- 1974-1976 : Soulages, peintures et gravures, Musée Dynamique, Dakar (reproduction) ; Fundaçao Calouste Gulbenkian, Lisbonne, Salas del Patrimonio Artistico y Cultural, Madrid (reproduction au catalogue. Etiquette au revers « n°4 »), Musée Fabre, Montpellier (reproduction), Museu de Arte Moderno, Mexico (reproduction), Museo de Bellas Artes, Caracas, Fundaçao Cultural, Brasilia, Museu da Universidad, Sao Paulo, Museu de Arte Moderna, Rio de Janeiro.
- 1976 : Pierre Soulages, Musée d'Art et d'Industrie, Saint-Etienne.
- 1980 : Kunstlerhaus, Salzbourg
- 1982 : Kunstbygning, Aarhus ; Kunstpavillon, Esbjerg ; Charlottenborg, Copenhague ; étiquette de transport au revers entreprise IAT –International Art Transport, Gentilly. Ref : I9460/Danemark.
- 1983 : Musée d'Unterlinden, Colmar
- 1984 : Soulages, Seibu Museum of Art, Tokyo (étiquette au revers)
- 1985: Pierre Soulages, Pulchri Studio, La Haye
- 1993-1994 : Pierre Soulages : une rétrospective, Musée National d'Art Contemporain, Séoul (étiquette au revers : transporteur Chenue & fils DOS.93380PMD n°17); Palais des Beaux-Arts de Chine, Pékin ; Taipei Fine Arts Museum, Taipei (étiquette au revers)
- 2000 : Les Abattoirs, Toulouse.

Participations aux expositions collectives :
- 1963 : VIIe biennale de Sao Paulo (reproduction au catalogue. Etiquette au revers)
- 1969 : Travail et culture, Paris
- 1989 : Réalités de la peinture. Moscou, Musée Poudkine (repro.) et salle centrale des expositions, Leningrad (reproduction au catalogue et étiquette de transport Chenue au revers – DOS.88837_PMD/OD n°96)
- 1994 : Couplet 2, Stedelijk Museum, Amsterdam
- 2008 : Action Painting, Fondation Beyeler, Bâle.

Traitements antérieurs :
L’œuvre a été modifiée à l’occasion de son traitement fondamental que nous pouvons dater, suivant la fréquence de ses prêts pour exposition, entre 1986 et 1993. Cette restauration a été effectuée par M. Ledeur d’après Pierre Soulages. Nous avons pris contact avec ce confrère pour connaître les matériaux qu’il a mis en œuvre et les raisons de son intervention, mais nous n’avons pas de retour ce jour.


Altérations

Les altérations de l’œuvre sont localisée sur un repère orthonormé O ;x,y dont le point d’origine est situé dans l’angle inférieur gauche de la peinture. 8 zones principales d’altération sont notées sur le schéma ci-contre. Les coordonnées de chaque zone d’altération sont données en cm.

L’œuvre souffre de différents types d’altérations, que nous classerons de la façon suivante :
- défauts de surface réversibles : matités, brillance (vernis), empoussièrement.
- défauts de surface non réversibles : altération de la surface de la couche picturale, éraflures de couches picturales (ruptures de film suivant une direction rectiligne), enfoncements, trous.
- altérations évolutives et partiellement réversibles : pertes d’adhérence.

Coordonnées en cm des zones altérées (repère O,x ;y, ayant pour origine l’angle inférieur gauche).
Zone 1:107-114 ;122-128
Zone 2: 90-100 ;122-128
Zone 3 : 60 ;155
Zone 4 : 60 ;140
Zone 5 : 5 ; 123-129
Zone 6 : 100 ;41.5
Zone 7 : 57-64 ;30-35
Zone 8 : 77-87 ; 35-38

1. Défauts de surface reversibles
- Empoussièrement / encrassement : celui-ci est modéré sur la surface peinte, mais les empoussièrement successifs et les nombreuses manipulations de l’œuvre ont entraînés un encrassement général de la surface peinte qui gêne la lecture de l’œuvre, surtout dans les parties contrastées, où les zones les plus claires apparaissent avec un voile grisâtre. L’empoussièrement important du revers est également notable.
- Brillances / matités de vernis : des défauts de surface de vernis sont visibles dans les parties noires de l’œuvre. Si ces altérations ne sont que des défauts de surface, celles-ci sont gênantes puisqu’elles altèrent les contrastes de surface et de réflexion de lumière. Ces altérations sont dues aux traitements antérieurs et sont souvent associées aux zones de couche picturale en perte d’adhérence. Des résidus de coton et de différentes poussières piégées à la surface « poisseuse » de la peinture sont également associés à ces zones. Dans la zone 5, un écrasement de matière est lié à l’intervention antérieure (peu réversible).
- Négligence ou vandalisme : au revers de l’œuvre (point de coordonnées x :162, y :57), nous avons observé un chewing-gum vert qui n’avait pas été observé lors du précédent constat d’état (janvier 2007). Ce dépôt, qui heureusement n’a pas été fait sur la face, a été effectué dans les salles du musée. Après observation des moyens de surveillance dans la salle, nous constatons en effet que l’œuvre est placée dans un angle mort pour les caméras de vidéo-surveillance, et que les agents de sécurité ne peuvent pas intervenir pour chacune des œuvres vue la configuration spatiale des salles.

2. Défauts de surface non reversibles
- Altération de la surface de la couche picturale : des coulures de vernis, sans doute vernis original, sont visibles dans une zone située au point (x : 34,5 ; y :46). Dans les zones où des brillances et matités de vernis avait été observées, la couche picturale apparaît souvent altérée en surface (surface devenue plus rugueuse ou ayant piégé des résidus poussiéreux).
- Eraflure de couche picturale (ruptures de film suivant une direction rectiligne) : une éraflure rectiligne est le résultat du passage d’un objet contondant du revers de l’œuvre du point de coordonnées (x :87 ; y :38) au point de coordonnées (x :77 ; y :35). Cette éraflure de 10,5 cm n’est pas mentionnée dans les constats d’état précédents (décembre 2006 par Solène Gout et janvier 2007 par Pauline de La Grandière). Après vérification du dossier photographique réalisé en janvier 2007, cette éraflure n’est pas observée. Elle est donc récente et a été effectuée lors d’une manipulation de l’œuvre dans l’enceinte du musée.
- Enfoncements : une déformation de couche picturale est associée à un ancien soulèvement (x :118 ; y :41, zone 6). Cette altération a été réalisée après une pression trop brutale exercée sur la surface de l’œuvre. Une empreinte de doigt a été laissée dans cette zone.
- Trous : on observe un trou d’injection d’adhésif dans la couche picturale (zone 4) et un trou, provoqué par une pointe ou une punaise, est situé dans l’angle inférieur senestre (x :160 ; y :0,5). Les fibres de la toile sont orientées vers l’extérieur (trou provenant du revers de l’œuvre).

3. Altérations évolutives et partiellement réversibles : pertes d’adhérence
L’œuvre souffre de nombreuses pertes d’adhérence : il s’agit de clivages de couche picturale à l’interface préparation/couche colorée (relevé). Ces clivages sont associés à des ruptures et des déformations importantes de peinture. Six zones principales ont été observées :
- Zone 1 (x :107-114 ; y :122 ;128). Réseau craquelé en toile d’araignée (sans direction préférentielle) avec une lacune (2x1mm). Un soulèvement laisse la préparation blanche intacte. La couche picturale est extrêmement rigide. Les soulèvements sont visibles mais ils semblent peu évolutifs à court terme.
- Zone 2 : (x :90-100 ; y : 122-131). Cette zone semble s’être étendue entre janvier et décembre 2007. Les soulèvements sont donc évolutifs. Cette zone sera difficile à traiter avec des écailles désolidarisées des écailles adjacentes. Les soulèvements laissent apparaître la préparation intacte, des résidus de colle et une écaille cassée.
- Zone 3 : (x :64 ; y : 156) Le réseau de craquelure en étoile est moins directionnel qu’en 1 et 2. Il y a cassure de la couche picturale qui entraîne un décollement de la couche plus léger (la préparation apparaît mais le clivage n’est pas systématique). L’intervention antérieure a entraîné un écrasement de l’empâtement laissant un aspect poisseux qui est empoussiéré.
- Zone 4 : Constat similaire à la zone 3. Une écaille de 1x1 mm de forme triangulaire est cassée. Cette écaille est déplacée sous la couche picturale mais y adhère (intervention antérieure ?).
- Zone 5 : Réseau directionnel en échelle lié à l’application de la peinture (craquelure sans soulèvements), et 1 soulèvement.
- Zone 7 : (x :57 ; y : 30-35). Zone située en fin d’aplat. Il s’agit du soulèvement le plus élevé puisqu’il s’élève à plus de 3 mm. Des traces d’ancien refixage et d’anciennes retouches sont visibles.

Diagnostic & Discussion
Cette oeuvre de Pierre Soulages est extrêmement fragile et l’évolution des altérations observées en 12 mois montre combien il s’agit d’un cas difficile et sensible. Les altérations sont le résultat de l’expression des contraintes dans le film peint. Au delà d’un seuil critique du taux de contrainte, le film se fissure et se craquelle. Si l’équilibre des contraintes entre deux couches n’est pas garanti, le film se délamine. L’ampleur des soulèvements et leur origine sont liés à la naissance des contraintes dans le film de peinture épais, que l’on peut résumer dans le bilan mécanique suivant :
Vitesse d’évaporation : L’apparition des contraintes est liée à l’évaporation du solvant ou des matières volatiles. Si la vitesse d’évaporation est rapide, les contraintes sont plus importantes.
  • Préparation : Le séchage se fait d’avantage par polymérisation que par évaporation dans une couche de céruse : contraintes de séchage faibles
  • Couche colorée: La vitesse d’évaporation du solvant des aplats noir a été plus rapide à cause de la migration du liant au revers de la toile (pression à l’application) : contraintes de séchage élevées.
    Epaisseur du film
    Plus le film est épais, plus les contraintes sont importantes
    Film peu épais = contraintes faibles
    Couche picturale très épaisse, surtout dans les aplats = contraintes élevées.
    Nature des liants et des pigments
    Le module d’élasticité (et donc les contraintes) est d’autant plus élevé que la Concentration Volumétrique Pigmentaire est élevée, et que la mobilité des molécules est faible.
    La céruse agit comme inhibiteur de contrainte. Les carboxylates sont mobiles et leur conformation en aiguille baisse les contraintes.
    La CVP du noir d’ivoire, composant majoritaire de la couche picturale est élevée. Les contraintes sont élevées.
    BILAN MECANIQUE
    CONTRAINTES FAIBLES
    CONTRAINTES TRES ELEVEES

    Ainsi, la couche préparatoire est le siège de faibles contraintes. La couche colorée rassemble au contraire de très nombreuses forces de contrainte, surtout dans les zones épaisses (film épais, présence de noir d’ivoire en grande proportion, vitesse d’évaporation rapide), qui peuvent entraîner les fissures de film que nous observons. La différence de contrainte entre la couche préparatoire et la couche colorée peut entraîner une désolidarisation des films. C’est un phénomène mécanique qui est observé de façon récurrente dans les peintures contemporaines épaisses.

    L’origine des clivages s’explique par la différence physique entre la couche picturale épaisse (nombreuses forces de contraintes qui la rendent cassante) et la couche de préparation (peu de forces de contraintes).

    Cette œuvre fait en outre partie d’une série d’œuvres exécutées suivant la même technique qui présentent des altérations similaires et qui ont fait l’objet de quelques études ces dernières années (La Grandière 2005, Helou – de La Grandière 2006, Helou - de La Grandière 2007, Helou - de La Grandière et al. 2008). Grâce au soutien financier du Centre national des Arts Plastiques (CNAP), une étude sur les œuvres de Pierre Soulages datées de 1959 a été possible. Cette étude a permis d’auditer l’état de conservation des 17 œuvres listées ci-après. Comme le montrent les graphiques, parmi ces œuvres, la moitié est considérée comme en bon état de conservation, seulement un tiers ne présente aucune altération, et enfin un quart des œuvres n’a jamais été refixé. Ainsi, ¾ des peintures de Pierre Soulages de 1959 conservées dans les musées a déjà été refixé. Cette enquête révélait un élément également très inquiétant : 70% des cas traités (refixage) ont été inefficaces. Pour certaines œuvres, les refixages ont dû être réitérés plusieurs fois (tous les 2 ans) sans donner entière satisfaction.

    Les causes de ce phénomènes commencent aujourd’hui a être éludée, du moins partiellement. Toutes les œuvres altérées qui ont été analysées montrent la présence dans les couches picturales de noir d’ivoire, parfois d’oxyde de zinc, d’oxyde de plomb (utilisé comme siccatif), d’huile et de colophane (utilisé comme épaississant du medium). Ces œuvres sont appliquées dans tous les cas sur une préparation blanche industrielle, provenant de la maison Lefebvre-Foinet. La préparation est composée de blanc de plomb, dont la structure morphologique est atypique (morphologie aciculaire observée au Microscope électronique à balayage MEB).

    - Peinture, 200x265 cm, 22 mars 1959, Sonja Hennie-Niels Onstad Kunstsentret, Hovikodden (NORVEGE)
    - Peinture, 130x165 cm, 18 avril 1959, Musée d’Art moderne de Saint Etienne (FRANCE)*
    - Peinture, 162 x 130 cm, 4 mai 1959, Kurashiki, Ohara Museum (JAPON)
    - Peinture, 130x130 cm,12 mai 1959, Sonja Hennie-Niels Onstad Kunstsentret, Hovikodden (NORVEGE)
    - Peinture 200 x 265 cm, 20 Mai 1959, St Louis, Washington University Museum (USA)
    - Peinture, 91x64 cm, 1er juin 1959, Johannesburg Museum, (AFRIQUE DU SUD)
    - Peinture, 130x130 cm, 6 juin 1959, Los Angeles County Museum of Art (USA)
    - Peinture, 202x125 cm, 16 juin 1959, Doerner Institute, Munich (ALLEMAGNE)
    - Peinture, 6 juillet 1959, Sprengle Museum, Hanovre (ALLEMAGNE)
    - Peinture,130 x 114 cm, 2 novembre 1959, Pierre Soulages (en dépôt au Musée Fabre) (FRANCE)*
    - Peinture, 30 novembre 1959, Kunsthaus Zurich (SUISSE)
    - Peinture, 200,5 x 162 cm, 8 décembre 1959, Kunstsammlung Nordrhein Westalen, Düsseldorf (ALLEMAGNE)*
    - Peinture, 202x129,5 cm, 15 décembre 1959, Musée des Abattoirs, Toulouse, (FRANCE)
    - Peinture, 114x165cm, 16 décembre 1959, Musée d’Art moderne de la Ville de Paris (FRANCE)*
    - Peinture, 162x114cm, 28 décembre 1959, Musée Fabre, Montpellier (FRANCE)*

    * Œuvres analysées dans le cadre de la recherche du CNAP (2007)

Graphique 1: Résultat d'enquête - état de conservation des oeuvres auditées
Graphique 2 : Résultat d'enquête altérations constatées
Graphique 3 : Résultats d’enquête – adhésifs utilisés pour les refixages (78% des cas)
Graphique 4 : Résultats d’enquête – interventions effectuées sur les œuvres.

La recherche de l’origine des clivages menée en 2006-2007 a permis de mettre en évidence la présence systématique de savons métalliques et de morphologies aciculaires dans les préparations des œuvres altérées. Cette observation a permis de corréler la récurrence des soulèvements à la présence de ces savons métalliques. De plus, il a été montré que des œuvres d’autres peintres datées de la même période présentent le même type d’altération problématique, auxquelles sont associées les mêmes morphologies de blanc de plomb contenant des savons métalliques (il s’agit de Riopelle et de Borduas). Ainsi, la source de savons métalliques qui entraîne une difficulté accrue à refixer les peintures est liée au fournisseur de préparations, Lefebvre-Foinet.

A l’explication mécanique s’ajoute la présence de savons métalliques dans la couche préparatoire. Ces savons métalliques peuvent encore abaisser le taux de contraintes dans la préparation (et augmenter le différentiel mécanique avec la couche picturale) ; ils peuvent aussi empêcher un refixage efficace à long terme.

Problématique du refixage

Cette peinture doit faire l’objet d’une réflexion avant d’envisager le refixage. Les autres cas traités montrent que la multiplication des refixages sur une même œuvre peut entraîner d’autres altérations, plus gênantes encore. Dans les cas les plus extrêmes, les œuvres ne sont plus présentables. Nous procéderons donc à quelques tests avant de choisir l’adhésif le plus approprié à notre cas. La méthode choisie pour le refixage sera la méthode la plus minimaliste.

1. Analyse de la couche préparatoire
Un échantillon de préparation a été prélevé sur les chants de l’œuvre. Les analyses ont été menées par Anne-Solenn Le Hô au C2RMF (MEB, IRTF), François Mirambet au LRMH (DRX) et Marie-Claude Corbeil, à l’Institut canadien de Conservation (ICC) (micro-DRX). Les analyses suivantes ont été effectuées :
- La composition élémentaire et l’observation de la morphologie des composés ont été obtenues par microscopie électronique à balayage associé à un système d’analyse élémentaire de rayons X par séparation dispersive en énergie (MEB-EDS).
- Des analyses en spectroscopie infrarouge ont ensuite été réalisées afin de rechercher la présence de savons métalliques. La spectroscopie infrarouge est une analyse vibrationnelle, qui permet une analyse structurale fonctionnelle. Grâce à elle, il est possible de caractériser les fonctions chimiques de produits organiques, inorganiques, cristallisés ou amorphes. Deux types de configurations ont été utilisées sur un spectroscope Perkin-Elmer Spectrum 2000 à transformée de Fourier : la réflexion ATR et la transmission par cellule diamant. Le dispositif ATR est un Golden Gate (Specac) équipé d’un cristal de diamant. Il a été préférentiellement mis en œuvre car il présente l’avantage de pouvoir récupérer l’échantillon après analyse
- La diffraction des rayons X (DRX) et la micro-diffraction des rayons X (µ-DRX) La diffractométrie de rayons X est une méthode d'analyse physico-chimique qui ne marche que sur la matière cristallisée.

Analyse élémentaire
MEB -EDS
Pb, O, H
Analyses structurales
DRX
Orientation préférentielles à bas tétas. Résultats non expoitables
µ-DRX
Hydrocérusite
Plombonacrite
(composés du blanc de plomb)
IRTF
Blanc de plomb, quelques savons métalliques.

Peinture, 162 x 114 cm, 28 décembre 1959 est composée des mêmes éléments que les œuvres précitées. La préparation, d’après les analyses qui ont été effectuées au C2RMF, au LRMH et au CCI permettent de conclure qu’elle est composée de cérusite/ plumbonacrite, éléments composant le blanc de plomb. Peu de savons métalliques ont été analysés dans l’échantillon prélevé sur les chants de l’œuvre, mais leur présence sera prise en compte dans le traitement de l’œuvre.
Graphique 5: Diffractogramme DRX de Peinture, 162 x 114 cm, 28 décembre 1959. Les résultats sont difficiles à exploiter à cause de la réponse enregistrée à bas θ (zone de diffraction des savons métalliques). ©MIRAMBET LRMH 2007

Figure 2 : Peinture, 28 décembre 1959, Préparation. Morphologie granulaire à aciculaire des grains de blanc de plomb (MEB). © LE HO – C2RMF 2007

2. Evaluation de la sensibilité de la couche picturale

Une étude de solubilité de la couche picturale a été conduite directement sur l’œuvre, sur les chants peints et accessibles. Cette étude a pour objectif de déterminer quels sont les solvants et les familles de solvants qui peuvent altérer la couche picturale. Le solvant de l’adhésif sera choisit dans une zone de solubilité extérieure à la zone de sensibilité de la couche picturale.

Tableau 1: Tests de solubilité de la couche picturale (chants)

ID
Solvant
Fd
Fp
Fh
Delta
Commentaire

Représentation dans un triangle de Teas de la sensibilité aux solvants de la couche picturale.
64
Eau
19
22
58
23,5
OK

Eau/Ethanol 50/50%
27,5
20,5
51,5

OK
3
Éthanol
36
19
45
12,92
sensible
4
n-propanol
40
16
44
11,97
sensible
15A
Éthyl lactate
44
23
33
10,5
sensible
21
Diacétone alcool
37
29
34
10,18
sensible
26B
Diméthyl sulfoxide
37
33
30
12,93
sensible
29
Acétone
50
37
13
9,77
sensible
30
Méthyl éthyl cétone
53
30
17
9,27
sensible
35
Éthyl acétate
51
17
37
9,1
sensible
63
Cyclohéxane
94
2
4
8,18
sensible
73
White spirit




sensible

Ligroine
97
2
1

OK

3. Choix de l’adhesif

Le collage consiste à effectuer un joint d’adhésion entre deux couches non solidaires ; ce joint doit pouvoir être appliqué sans provoquer de dommage sur l’œuvre originale à court comme à long terme (innocuité optique, chimique, thermique et mécanique). Grâce aux zones de solubilité que nous avons déterminé, nous pouvons d’ores et déjà envisager de ne pas utiliser d’adhésif synthétiques en solution avec tout solvant organique sauf certains alcools, certains esters et l’eau. Les adhésifs en solutions aqueuses sont exclus à cause de la mouillabilité de la surface, car la préparation est hydrophobe. L’enquête menée permet également de supprimer de la gamme envisageable les adhésifs utilisés sans succès à plusieurs reprises, telle que les PVAc et la Beva©. . Les seuls adhésifs que nous pouvons utiliser dans ce cas sont donc un éther de cellulose, le Klucel©, et un acrylique soluble dans l’alcool, le Primal© E330.

C’est le Klucel© qui a eut notre préférence, à cause de son utilisation mixte eau/éthanol. En effet, solubilisé dans ce mélange alocolo-aqueux, il peut être rincé à l’eau en cas de retour en surface de l‘adhésif. Ce point est très important dans notre cas, puisque la couche picturale peut être modifiée en surface par un alcool (matités).

Le refixage sera donc envisagé à froid, par application de Klucel G
[1] diluée à 10% dans un mélange eau.éthanol (50/50) ou dans l’éthanol seul. La mise dans le plan se fera après pression sous poids de la zone soulevée.

Rapport d’intervention

1. Interventions sur le revers
- Dépoussiérage au chiffon microfibres Stouls (Chiffon à base de microfibres synthétiques de polyester et polyamide ne contenant aucun additif chimique),
- Suppression d’éléments intrusifs (encrassements, chewing-gum),
- Sécurisation des clés (vis placées devant les clés) et pose de deux nouvelles clés.
- Pose d’un molleton polyester,
- Dos protecteur en carton pHicor (pHicor est un carton ondulé simple cannelure. Entièrement réalisé en papier bleu 150 g/m2 100 % pâtes chimiques blanchies, sans acide, avec réserve alcaline. Liaison du complexe à la colle d'amidon. pH faces externes : 7,5 ; pH cannelure : 8,7.
- Pose de poignées

2. Interventions sur la face
- Dépoussiérage au chiffon microfibres Stouls,
- Décrassage de la surface picturale à l’eau (pH 7) au bâtonnet de coton,
- Refixage de la zone 1 (x :114 ; y : 114). Hauteur du soulèvement : 0.7 mm. Prémouillage avec le mélange eau/éthanol 50/50. Injection de Klucel G 10% dans éthanol. Mise à plat avec spatule souple en silicone. Mise sous poids.
- Refixage de la zone 2. Refixage difficile à cause de la désolidarisation de certaines écailles. Refixage partiel de la zone. Prémouillage avec le mélange eau/éthanol 50/50. Injection de Klucel G 10% dans ethanol. Mise à plat avec spatule souple en silicone. Mise sous poids.
- Zone 3 (x : 64 ; y : 156). Refixage d’une bordure d’empâtement décollée au cours de la suppression des fibres collées dans l’empâtement (il s’agit peut-être de résidus de papier de protection utilisé anciennement). Injection de Klucel G 10% dans éthanol. Mise à plat avec spatule souple en silicone. Mise sous poids.
- Zone 7 : x : 57-64 ; y : 30+35. Hauteur du soulèvement : plus de 3 mm. Zone anciennement refixée et retouchée. Prémouillage avec le mélange eau/éthanol 50/50. cette injection entraîne la solubilisation immédiate des résidus de colle de l’ancien refixage. Il y a alors décollement de l’écaille anciennement recollée. La couche picturale est extrêmement rigide, surtout au point culminant du soulèvement où l’épaisseur de la couche picturale est la plus importante. Le ramollissement de la couche picturale se fait progressivement avec une légère pression à la spatule souple. Injection de Klucel G 10% dans éthanol. Mise à plat avec spatule souple en silicone. Mise sous poids.

Préconisation de conservation préventive

Cette œuvre est extrêmement fragile et ses altérations évoluent dans les conditions de conservation actuelles. Tous les transports et les manipulations de l’œuvre doivent être réduits au maximum pour la bonne conservation de cette peinture. En cas d’absolue nécessité, les transports et les manipulations doivent être effectués avec la plus grande prudence et une grande maîtrise des règles de conservation.

Conditionnement : un dos protecteur a été posé au revers de l’œuvre. Il a pour fonction de tamponner les variations d’humidité, de réduire les échanges climatiques avec l’extérieur et de protéger le revers de vibrations ; il est composé de molleton polyester, directement en contact avec la toile, qui assure l’absorption des vibrations sur la toile ; et de carton cannelé simple cannelure à réserve alcaline. Le carton protège le revers des accidents (qui peuvent engendrer des éraflures), de l’empoussièrement, et sa nature tamponne des variations d’humidité, comme le montrent les schéma en annexe.

Manipulations : cette œuvre doit absolument être manipulée avec des gants blancs propres, et par du personnel qualifié. L’éraflure récente constatée dans la couche picturale montre quelles conséquences peut engendrer une négligence lors d’une manipulation.

Transport : Après le présent traitement, nous ne sommes pas favorable à son prêt et à son transport en Suisse. Les engagements étant déjà pris par le musée, nous préconisons un transport dans un caisson climatique, avec un système de cadre M.R.T. inséré dans une caisse molletonnée. La peinture doit être fixée dans le cadre MRT par des vis (il faut ajouter un système d’accroche au châssis), lequel cadre doit être emballé dans un cartonnage, puis inséré dans la caisse après avoir capitonné cette dernière de mousse pour absorber les chocs et vibrations.
Le prêt de cette œuvre, pour une exposition temporaire en France ou à l’étranger, n’est en aucun cas envisageable. Les vibrations et les chocs climatiques alors subis par la toile amplifieraient le réseau de fissure déjà visible et menaceraient des pertes d’adhérences irréversibles.

Exposition : le standard basique à garantir pour l’humidité relative sur l’œuvre est de 74-53% HR acceptant une variation de ±2%/jour pour une température jugée optimale à 21°C (±1.5°C/jour).
[2] Nous rappelons qu’il est important de garantir une humidité relative stable afin de réduire l’évolution du taux de contrainte à l’origine des clivages. La présence d’une nouvelle éraflure sur l’œuvre et du chewing-gum appliqué sur le châssis ont montré que la surveillance doit être renforcée dans cette salle du musée, particulièrement pour cette œuvre qui n’est pas visible depuis les caméra de vidéo-surveillance.

L’étude régulière de l’œuvre : Une observation attentive et régulière restera la meilleure garantie pour sa conservation. Effectuée par un restaurateur de peinture, cette observation comportera notamment des relevés précis (à l’échelle 1) des altérations. Cette étude pourra être effectuée dans le cadre d’un contrat d’entretien.




Annexes


Mesure de l’effet tampon d’un carton cannelé utilisé comme dos protecteur pour une peinture




Relevé hygrométrique dans l’atelier (capteur CIMEL 1-01-00103 placé sur le mur ouest).
Relevé hygrométrique dans le cadre de stockage M.R.T., après capitonnage du fond avec des plaques de carton. (Capteur CIMEL 0303-808 placé dans le cadre, mur ouest)
Bibliographie

La Grandière 2005
Technique classique et problèmes contemporains : Pierre Soulages, peinture, 114 x 165 cm, 16 décembre 1959, musée d'art moderne de la Ville de Paris : étude des contraintes internes et des défauts d'adhérence d'une couche picturale épaisse, recherche d'une méthode de refixage des clivages . Mémoire de fin d’études, Institut national du patrimoine, Saint Denis, 2005.
Helou – de La Grandière 2006
« La restauration de Peinture, 114 × 165 cm, 16 décembre 1959 de Pierre Soulages », in Patrimoines, n°2, 2006, p.51-55.
Helou – de La Grandière 2007
Pauline HELOU-DE LA GRANDIERE, Recherche sur le rôle des savons métalliques dans le développement des clivages des peintures de Pierre Soulages de 1959, Recherche soutenue par le Centre national des Arts Plastqiues, Minsitère de la Culture et de la Communication, octobre 2007.
Helou - de La Grandière et al. 2008
Pauline HELOU-DE LA GRANDIERE, Anne-Solenn LE HO, François MIRAMBET, « Delaminating paint films at the end of 1950s: a case study of Pierre Soulages”, in Preparation for painting : the artist’s choice and its consequence, conférence de l’ICOMM-CC, British Museum, 31 mai et 1er juin 2007, Archetype eds. 2008.
Vaillant 1961
Roger VAILLAND, Comment travaille Pierre Soulages, Le Temps des Cerises, Paris, 1998. Edition de « Comment travaille Pierre Soulages «, L’œil, n°77, Paris, mai 1961.
Sweeney 1972
James Johnson SWEENEY, Soulages, Ides et Calendes, Neuchâtel, 1972 ;
Ceysson 1979
Bernard CEYSSON, Soulages, Flammarion, Paris, 1979 (réédition 1996) ; Crown Publisher, New York, 1980 et Bonfini Press, Naefels, 1980
Ragon 1990
Michel RAGON, Les ateliers de Soulages, Albin Michel, Paris, 1990
Daix & Sweeney 1991
Pierre DAIX, James Johnson SWEENEY, Pierre Soulages, l'oeuvre 1947-1990, Ides et Calendes, Neuchâtel, 1991
Encrevé 1996
Soulages, L'oeuvre complet, Peintures II, 1959-1978, Editions du Seuil, Paris, 1996

Catalogues d’exposition
1960
Soulages, Galerie de France, Paris ; reportage photographique Izis
1963
Soulages malerier og raderinger, Ny Carlsberg Glyptotek, Copenhague ; texte de Haavard Rostrup
1968
Soulages, Foire Internationale de Montréal ; texte de Guy Viau
1974-1976
Soulages, peintures et gravures, Musée Dynamique, Dakar ; Fundaçào Calouste Gulbenkian, Lisbonne ; texte de Léopold Sédar Senghor
1976
Pierre Soulages, Musée d'Art et d'Industrie, Saint-Etienne ; texte de Bernard Ceysson
1982
Soulages, Kunstbygning, Aarhus ; Kunstpavillon, Esbjerg ; Charlottenborg, Copenhague ; texte de Mogens Andersen
1984
Soulages, Seibu Museum of Art, Tokyo ; textes de Taka Ashido Okada et d'Alfred Pacquement
1985
Pierre Soulages, Pulchri Studio, La Haye ; texte de John Sillevis
1993
Pierre Soulages : une rétrospective, Musée National d'Art Contemporain, Séoul ; textes de Young-Bang Lim, Alfred Pacquement et Bernard Prague
1994
Pierre Soulages : une rétrospective, Palais des Beaux-Arts de Chine, Pékin ; textes de Alfred Pacquement et François Marcel Plaisant
1994
Pierre Soulages : une rétrospective, Taipei Fine Arts Museum, Taipei ; textes de Huang Kuang-nan, Alfred Pacquement et Jean-Paul Réau

[1] Hydroxypropylcellulose. Colle chimiquement neutre et réversible. Très bonne résistance à la dégradation biologique. Non toxique, pH stable. Totalement transparente en séchant.

[2] Source : Rebecca Alcàntara, Standards in preventive conservation : meanings and applications, ICCROM, 20/01/2002.















Le relevé des altérations permet de distinguer 7 zones de soulèvement. (relevé ci-contre). Ces 7 zones ont été traitées (voir relevé détaillé dans rapport à suivre).






Après refixage, certaines zones demeurent particulièrement fragiles et devront être surveillées attentivement.









Il s'agit des zones 1, 2 et 7 (voir rapport janvier 2007)









Zones 1 & 2: avant intervention






Zones 1 & 2 après refixage.
Zone 7 : Etat avant intervention









Zone 7 : état après traitement (décembre 2007). Cette zone demeure fragile et doit être surveillée lors des prochains transports.