Restauration d'un papier marouflé sur toile






















Technique mixte.


72.5 x 58 cm

Défauts de support : problèmes de tension de la toile dans les deux angles à droite.




Déchirure du papier dans un bord inférieur gauche (vers le sanglier). Nombreuses éraflures.




Paysage avec sujet de chasse de Jacob Van Artois


Avant restauration
Après restauration

Le paysage de Van Artois se présentait comme une peinture à l’huile XVIIe, très classique (du point de vue de sa technique) ; Mais son nettoyage a révélé quelques surprises….

Rappel (voir message du 08/08/08) : Il s’agit d’une peinture à l’huile sur toile, rentoilée anciennement (la contexture de la toile de rentoilage est plus grossière que la toile originale). Un vernis épais et oxydé, à base de résine naturelle, est devenu jaunâtre à brunâtre et montre quelques irrégularités. Quelques repeints sont visibles en lumière ultra-violette (absence de fluorescence – zones noires – sous UV).


Matités (vernis, repeints)


Un protocole de nettoyage a été effectué afin d’évaluer le mélange de solvant le plus efficace pour solubiliser la résine du vernis, tout en restant inoffensif pour la couche picturale.
Pour évaluer la nature des constituants du vernis et de ses produits d’altération, on tente d’identifier les types de forces intermoléculaires des corps présents. Il existe quatre types d’interactions intermoléculaires (classés selon leur force croissante) :
- la force de Van der Waals- la polarité (caractérisée par le moment dipolaire)
- la liaison hydrogène (liée au groupement hydroxyle –OH)
- la force ionique
- la liaison covalente (interaction intramoléculaire).






Pour simplifier, on parle de Force de polarité (Fp), de Force de lien hydrogène (Fh) et de Force de dispersion non polaire (Fd). Chaque corps est ainsi soluble dans une zone définie par trois coordonnées, Fd, Fp, Fh, modélisée dans un triangle (Triangle de Teas). Ci-dessous, les zones de solubilité de quatre composés courants en peinture sont représentées :




Triangle de Solubilité de Teas dans lequel sont modélisées les zones de solubilité des composés usuels des peintures: en bleu, protéines et polysaccharides, en jaune, les résines, en rouge les huiles fraîches, en violet, les huiles vieillies (produit oxydé); en vert, les cires.



Connaissant ce principe, nous avons testé des solvants purs et leur mélange pour définir une zone de solubilité du vernis et choisir un solvant qui sera en dehors d’une zone de solubilité de la couche picturale. Ces tests de solubilité ont montré un comportement étonnant de la résine du vernis et de la couche picturale : ils sont illustrés par le triangle ci-dessous:




1. La résine du vernis est soluble dans les alcools, les cétones, et les mélanges à base d'hydrocarbures, permettant une solubilisation pour une polarité très faible : ce caractère est propre aux résines naturelles peu oxydées (ce qui n’est pas le cas puisque le vernis est jaunâtre, signe de con oxydation) ; une faible polarité peu être caractéristique d’un mélange de résines peu polaires ou solubles dans des solvants peu polaires après oxydation (la nature de la résine est alors à déterminer).
2. De nombreux blanchiments sont apparus : ils trahissent, soit une évaporation trop rapide des solvants, soit une solubilisation partielle de la résine (la part non soluble apparaissant chancie) ; en outre, la couche picturale est apparue sensible aux solvants très peu polaires, situés dans la zone des cires ou des huiles fraîches... Il s'agit pourtant d'une peinture à l'huile du XVIIe siècle...

Un élément inhabituel est donc présent dans la couche picturale, ou du moins dans la résine du vernis. Cet élément inconnu présente les caractéristiques suivantes :
- soluble dans les alcools (chanci), les cétones (chanci), les hydrocarbures ;
- insoluble dans l’eau et les hydrocarbures aliphatiques ;
- peu fluorescent sous UV, mais très fortement fluorescent sous UV après régénération aux solvants (fluorescence verte) ;
- oxydation brunâtre ;
- tendance forte au chanci (blanchiment) ;

Ces éléments permettent de penser que nous sommes en présence de colophane : il s’agit d’un résidu de distillation de la gemme dans la production de l’essence de térébenthine (issue de la résine de pin). La colophane est insoluble dans l’eau et très soluble dans l’alcool, les cétones, les essences végétales, l’éther, les huiles (à chaud), les hydrocarbures aromatiques et chlorés, et l’acide acétique. Le film de colophane oxydé est soluble dans une gamme de solvants moins importante (vers des polarités plus grandes). Il est également peu brillant et très sensible à l’humidité, ce qui le fait blanchir (chanci).

En revanche, après régénération du vernis, plusieurs zones apparaissent peu fluorescentes sous U-V (faible absorption d’UV). Dans ces zones, des repeints apparaissent très clairement, mais (c’est plus gênant), les personnages aussi : il est possible qu’un médium différent aient été utilisé (présence de térébenthine de Venise par ex., qui fluoresce faiblement), ou bien que ces composés soient moins oxydés (plus jeunes) : la fluorescence sous UV augmente avec l’oxydation des matériaux, donc avec l’âge des composés.

La présence de térébenthine de Venise (faiblement fluorescente, lentement mais totalement soluble dans les alcools) peut également être liée au rentoilage, si celle-ci a été utilisée comme plastifiant de la colle.








Zones de solubilité des matériaux utilisés en peinture et de la colophane.





Ainsi, la restauration fondamentale effectuée au début du XIXe siècle a entrainé des modifications sur la surface picturale. Le nettoyage devra prendre en compte une éventuelle solubilité accrue de la couche picturale, notamment pour les personnages, qui ont peut-être été ajoutés tardivement (restauration?)





Tests de solubilité effectués sur la peinture




NETTOYAGE

Dépoussierage & décrassage


Un dépoussiérage a d’abord été effectué, avec un pinceau éventail, un micro-aspirateur, une éponge en latex douce humide. Un décrassage a pu être ensuite effectué sur la couche picturale. Des tests préalables ont permis de déterminer le produit actif le plus efficace : un complexant et un pH basique : le complexant permet de capter les salissures (composées essentiellement de cations métalliques, qui sont pris en tenaille par le complexant). Un gel de décrassage a donc été élaboré à partir de triammonium citrate (complexant), d’eau, d’ammoniaque (agent basique) et de fibres de méthyl-cellulose (épaississant). Ce gel a un pH final de 8.3.




Le gel de décrassage est appliqué, puis rincé au batonnet de coton.





Allègement du vernis

A cause des différences de matité et d’épaisseur, l’ensemble du vernis a été régénéré au solvant. Le choix du solvant a été fait en fonction des solubilités évoquées précédemment. Le lactate d’éthyle est le solvant qui permet de solubiliser la résine, dans solubiliser les résidus de colophane (résidus de rentoilage et repeints) et en évitant tout blanchiment.

Après régénération du vernis, certaines figures apparaissent mates, comme le chien et les personnages, ainsi que des éléments de la chaumière…. Ceci tente à montrer qu’il s’agit bien d’éléments peints a posteriori et/ou dans une technique différente de celle du paysage.